Une nouvelle ère s’ouvre dans la gestion de l’orpaillage grâce à l’innovation technologique. Les scientifiques développent actuellement une approche qui combine la puissance de l’IA, du machine learning et de l’imagerie spatiale pour surveiller les sites d’orpaillage. On ne va pas vous parler ici de chatGPT, mais d’une technique révolutionnaire qui pourrait permettre d’encadrer le secteur de l’orpaillage artisanal, atténuant ainsi les impacts négatifs sur l’environnement, la santé publique et la sécurité des travailleurs. Découvrons comment ce projet prend forme en Afrique de l’Ouest.
La course à l’or et ses répercussions
Plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest sont confrontés à une ruée vers l’or qui a des conséquences sanitaires, sociales et environnementales indéniables. Plutôt que de chercher à interdire cette activité, ces pays ont choisi de la réglementer. Pour ce faire, ils utilisent un outil précieux fourni par les spécialistes des sciences de la Terre et de l’imagerie satellitaire.
Cet outil consiste en un système permettant de cartographier à distance et automatiquement les sites miniers artisanaux, souvent clandestins. Selon la géologue Ndeye Marame Ngom, spécialiste de l’interprétation des images spatiales, ce système se base sur des données en libre accès et l’intelligence artificielle pour fournir des informations fiables et précises.
Grâce à cette technologie, il est possible de localiser les nouveaux sites d’extraction et d’observer l’évolution de ceux qui sont déjà connus. Le gouvernement sénégalais a montré un grand intérêt pour cette technologie, envisageant de former les agents du ministère des Mines et de la Géologie à son utilisation.
En fait, l’orpaillage n’est pas une nouvelle activité en Afrique de l’Ouest. Il a connu un boom remarquable à partir des années 1990, grâce aux découvertes géologiques montrant que le socle ancien de la région – datant de plus de deux milliards d’années – possède un fort potentiel aurifère. La géologue Lenka Baratoux du GET explique que cela rend la région propice à une métallogénèse prometteuse.
Malheureusement, l’attrait du précieux métal a aussi attiré une multitude d’orpailleurs locaux, travaillant de manière informelle dans des mines artisanales et clandestines. Cette ruée vers l’or incontrôlée, alimentée par la pauvreté, a amené des centaines de milliers d’orpailleurs à tenter leur chance. Le résultat est un grand nombre de puits artisanaux creusés manuellement, à la pioche ou à la daba et excavés au seau.
Les impacts de l’orpaillage informel
La production illégale d’or a un impact majeur sur l’environnement et les communautés locales. En effet, les mines artisanales ne respectent aucune norme de sécurité, ce qui entraîne de fréquents accidents meurtriers. De plus, l’utilisation de produits toxiques tels que le mercure et le cyanure pour extraire l’or du minerai contamine les écosystèmes et a un impact durable sur la santé des populations environnantes. Les ressources de ce secteur échappent également à l’État, générant des tensions et de l’instabilité politique.
Le rôle de l’imagerie spatiale
Les images spatiales offrent une opportunité unique pour gérer ce problème. Modou Mbaye, physicien associé au laboratoire de télédétection appliquée de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, explique que les satellites de la série Sentinel-2 peuvent balayer la surface du globe tous les cinq jours avec une très haute résolution. Cependant, les données dans le proche infrarouge, utiles pour localiser les zones anthropisées, ne suffisent pas à distinguer un site minier d’une zone résidentielle.
Pour remédier à cela, les chercheurs se sont tournés vers l’intelligence artificielle. En effet, des algorithmes bien entraînés peuvent distinguer les choses bien plus sûrement qu’un œil humain exercé.
De la géolocalisation au machine learning
Pour former ces algorithmes à reconnaître différents types de paysages, les scientifiques ont collecté des données de terrain dans la région aurifère du Sénégal oriental. Ils ont ensuite intégré ces informations dans les algorithmes qui vont apprendre à dissocier les différents types de terrains à partir de leurs propriétés optiques.
Au fur et à mesure que le nombre de données brassées se multiplie, les performances du système s’améliorent. Cependant, des ajustements ont été nécessaires pour affiner la détection des mines. Par exemple, des traitements statistiques ont montré que l’identification est plus fiable à partir d’images prises en saison sèche.
Grâce à ces ajustements, leur intelligence artificielle est désormais capable de localiser les sites miniers informels et de dresser une cartographie précise. En intégrant régulièrement un jeu d’images plus récentes, cette cartographie peut être simplement mise à jour.
Ce nouvel outil va permettre au Sénégal de mieux connaître l’étendue de l’exploitation minière artisanale et d’organiser plus efficacement le secteur pour minimiser ses effets nocifs. D’autres pays de la région, également confrontés à l’orpaillage clandestin, pourraient également bénéficier de cette technologie.
L’avenir de l’orpaillage artisanal
Grâce à l’application du machine learning et de l’imagerie spatiale, le secteur de l’orpaillage artisanal peut être surveillé et encadré plus efficacement. Les impacts négatifs sur l’environnement, la santé publique et la sécurité des travailleurs peuvent être atténués. Le gouvernement peut également mieux contrôler l’exploitation illégale de l’or.
- La cartographie précise des sites miniers permet de surveiller l’évolution des sites d’extraction et de cibler plus efficacement les efforts de régulation.
- Les données fournies par les algorithmes permettent de suivre l’évolution de l’exploitation minière artisanale dans le temps, offrant ainsi une vue globale du secteur.
- La formation d’agents du ministère des Mines et de la Géologie à l’utilisation de cette technologie pourrait aider à normaliser les pratiques d’extraction d’or.
L’orpaillage sauvage au Sénégal (2018)
Ces avancées technologiques ouvrent la voie à une gestion plus responsable de l’orpaillage artisanal. En se tournant vers des outils innovants et en cherchant des solutions à travers des approches multidisciplinaires, les autorités peuvent contribuer à un développement plus durable du secteur minier. Tandis que le monde s’efforce de faire face aux défis environnementaux, cette approche pourrait servir d’exemple pour d’autres industries extractives dans le monde entier.